Séminaire de sociopoétique

Lundi 24 octobre 2022
17h30-19h30

 

 

Constitutif du complot, le secret soude une communauté qu’il contribue simultanément à retrancher du reste de la société. À ce titre, la séparation spatiale exprimée par le sens premier de l’étymon secretum (« lieu écarté, retraite, solitude ») permet de confronter deux espaces de sociabilité, à la fois distincts et complémentaires : d’une part, celui des comploteurs, liés par un projet de domination mûri à l’écart de leur(s) cible(s) ; d’autre part, la vie de la cité qui les englobe. La communauté conspiratrice n’est pas toujours définie par des rites et codes unifiés : celles et ceux qui en font partie n’en possèdent pas moins l’ambition commune de modeler, depuis l’espace infra-social qui est le leur, le devenir socio-politique. Cette organisation sociale multiscalaire s’articule à un antagonisme – opposant la (petite) société que l’on intègre et la (grande) société que l’on cible.

Je propose de me concentrer sur trois fictions en langues européennes en partant d’une œuvre fondatrice : La Comtesse de Rudolstadt de George Sand (1843), The Princess Casamassima d’Henry James (1885) et le plus récent Je suis Karl du réalisateur allemand Christian Schwochow (2021). Emblématiques de leurs contextes de parution, qui correspondent à trois grandes périodes de prolifération contemporaine des discours complotistes occidentaux, ces deux romans et ce film mettent en scène des comploteurs cherchant à bouleverser l’ordre établi selon des perspectives bien différentes. Tous trois permettent de prendre acte de la constance d’un dédoublement polémique des espaces de sociabilité, dont il s’agira de cerner les manifestations et les enjeux.