• Colloque,

Journée d'études : « Catastrophes naturelles et dynamiques du changement. Textes et contextes antiques et médiévaux »

Publié le 14 décembre 2020 Mis à jour le 31 mai 2021
Date
Du 27 mai 2021 au 28 mai 2021

Responsable scientifique: Fabrice Galtier

I-Site – CAP 20-25
Challenge 4 :
« Risques naturels catastrophiques et vulnérabilité socio-économique »
Axe : « Décentrements »

Programme

Jeudi 27 mai

Dire et penser les bouleversements du monde
  • 14h15 Ouverture
  • 14h30-14h55 Jean-François Thomas (Université Paul-Valéry Montpellier 3 - CRISES) : « Dire les catastrophes naturelles en latin »
Cette étude part de la lexicalisation de quatre types de catastrophes, les épidémies, les tempêtes en mer, les inondations et les séismes pour montrer que le vocabulaire est plus ou moins varié, ce qui est à mettre en rapport avec la capacité d’action. Mais existe-t-il pour autant une représentation plus globale de ces phénomènes à travers des procédés d’écriture et des termes d’emploi plus général ? Par ailleurs, le français catastrophe n’a pas vraiment d’équivalent en latin, ce qui revient à s’interroger sur son origine.
  • Discussion et pause
 
  • 15h05-15h30 Hélène Vial (Université Clermont Auvergne - CELIS) : « La métamorphose ovidienne face aux catastrophes naturelles : une déconstruction- reconstruction de l’équilibre environnemental du monde »
Ces dernières années, face à la prise de conscience croissante de la réalité du changement climatique et à l’urgence d’agir pour sauvegarder l’équilibre de la planète, l’interprétation des textes anciens à la lumière des enjeux environnementaux a considérablement évolué. Les Métamorphoses d’Ovide peuvent, dans cette perspective, être considérées comme un centre de gravité symbolique. En effet, de la description du passage du chaos à l’harmonie au livre I au changement universel décrit par Pythagore au livre XV, l’épopée ovidienne opère une réévaluation constante d’un équilibre global que l’auteur définit comme fondé sur la fragilité des frontières entre éléments, règnes, espèces. La métamorphose, sujet du poème, est la clé de voûte de cet équilibre : en imprimant les passions dans les corps, elle garantit le maintien de l’écosystème vivant, mouvant et versatile qu’est notre monde. À travers ce processus, qui est au cœur de la subversion du texte et de son actualité, c’est une étiologie écologique centrée sur la métamorphose qui nous est proposée et qui est susceptible d’éclairer les réflexions du XXIe siècle sur les menaces environnementales, en ce qu’elle nous suggère d’écarter les aventures destructrices et suicidaires, telle celle de Phaéthon au livre I des Métamorphoses, et de chercher au contraire à atteindre l’harmonie universelle, mobile, ouverte à toutes les transformations, que Vulcain représente sur les portes du palais du Soleil au livre II.
  • Discussion et pause
 
  • 15h55-16h20 Grégoire Blanc (Université Clermont Auvergne - CELIS ) :  « La catastrophe naturelle dans la prose philosophique de Sénèque adressée à Lucilius : lectures croisées et continuité conceptuelle »
Notre étude se concentrera sur deux passages présents dans les ouvrages de Sénèque dédiés à Lucilius. Il s’agit de la préface au livre VI des Naturales Quaestiones, dans laquelle il est question du tremblement de terre qui a frappé la Campanie durant l’hiver 63, et de la Lettre 91, qui présente la consolation que le philosophe stoïcien destine à son ami Libéralis, très affecté par l’incendie qui frappa Lyon en 64. En opérant une technique de lecture croisée entre ces deux textes, nous souhaitons montrer que la rhétorique consolatoire employée dans les deux cas donne à voir les enjeux essentiels de chaque œuvre : le détachement d’un regard purement humain pour accéder à un point de vue cosmique, dans le cas des Naturales Quaestiones, et la nécessité de faire taire les voix extérieures dans le but de construire un discours intérieur cohérent, pour ce qui est des Lettres. Néanmoins, ces deux trajectoires se rejoignent sur la question de la légitimité du discours philosophique à traiter ces questions. Sénèque prend en effet grand soin de réorienter le genre consolatoire, habituellement consacré à la perte d’un être cher, pour lui insuffler une dynamique universelle que le discours philosophique semble être le seul à pouvoir gérer efficacement. Symboles du raffinement avec lequel Sénèque construit son oeuvre, les citations qui ornent ces discours consolatoires sur la catastrophe instaurent finalement une continuité conceptuelle entre les différentes œuvres que Sénèque destine à Lucilius (Epistulae morales, Naturales quaestiones, De prouidentia). Le destinataire est ainsi entraîné à tisser un réseau phantasmatique et discursif qui lui ouvre la voie vers la vertu, seul moyen d’échapper à la peur de phénomènes qui le dépassent.
  • Discussion
 
  • 16h30-16h55 Anne-Marie Favreau-Linder (Université Clermont Auvergne - CELIS) :  « Le rôle de l’orateur face aux catastrophes naturelles »
Notre réflexion portera, à partir des discours d’Aelius Aristide, sur le rôle de l’orateur face aux catastrophes naturelles. Seront plus particulièrement considérés les tremblements de terre de Smyrne et de Rhodes, sur lesquels a écrit celui qui demeure comme l’un des représentants majeurs de la seconde sophistique.
  • Discussion et fin de la séance

Vendredi 28 mai

Le statut de la catastrophe naturelle et sa place dans l’histoire
  • 9h30-9h55 Fabrice Galtier (Université Clermont Auvergne - CELIS) : « Les ravages du Tibre et leur interprétation lors de la crise de 69 »
Au mois de mars 69 une crue exceptionnelle du Tibre provoqua dans Rome une inondation particulièrement meurtrière dont le déroulement et les conséquences ont notamment été évoqués par Tacite dans ses Histoires. Cet événement catastrophique eut un retentissement d’autant plus important dans la population romaine qu’il s’est produit au moment où l’éphémère empereur Othon s’apprêtait à quitter la Ville pour défendre son pouvoir face aux légions de Vitellius. L’articulation entre la catastrophe naturelle et le bouleversement politique alors en cours mettait en jeu un ensemble de questions politiques, religieuses et littéraires qui se retrouvent dans le traitement tacitéen de l’épisode.
  • Discussion
 
  • 10h05-10h30 Annick Stoehr-Monjou (Université Clermont Auvergne - CELIS) : « Le déluge chez Dracontius (De laudibus Dei 2, 369-407) »
Le poète africain Blossius Aemilius Dracontius (fin du Ve siècle ap. J.-C.) consacre un passage au déluge dans son poème «Les Louanges de Dieu». Cette oeuvre en trois livres est une épopée dont l’unité réside dans la célébration de la gloire et de la bonté (pietas) de Dieu, dans la lignée d’Augustin d’Hippone : le livre I, véritable épopée biblique, contient le récit de la Création (Hexaemeron), le livre II illustrant quant à lui les «colères et volontés bienveillantes de Dieu (iras / et pia uota Dei v.10-11). Après un développement sur les crimes humains, le poète énumère des châtiments infligés par Dieu, dont le déluge est le premier, avant d’évoquer la rédemption. Pour décrire la catastrophe naturelle, nous verrons comment le poète fusionne sources bibliques (Ancien Testament) et poétiques antiques (Ovide), tout en étant influencé par l’historiographie chrétienne.
  • Discussion et pause
 
  • 10h55-11h20 Émilie Goudeau (Université Clermont Auvergne - CELIS) :  « Désigner, nommer, évoquer la catastrophe naturelle : choix lexicaux en latin et en français dans les Annales, la Chronique et le Registre de Gilles Le Muisit »
Gilles Le Muisit, abbé à Tournai au milieu du XIVe siècle, a dicté entre 1347 et 1352 des textes historiques et littéraires en latin et en français, tantôt en prose, tantôt en vers. Certains écrits français de ce chroniqueur rigoureux, témoin privilégié des événements de son époque, se présentent comme des calques ou des traductions libres de ses propres textes en latin. Cette contribution se proposera donc de comparer chez un même auteur la manière de rendre compte d’un événement donné dans les deux langues, au travers des choix lexicaux qu’il opère. L’usage des mots neutres de l’annaliste ou au contraire de termes ou locutions plus connotés, intégrant la morale religieuse ou des réminiscences eschatologiques à l’interprétation de l’événement, peut permettre de discerner quel aspect de la catastrophe privilégie un témoin qui a voulu être historien mais dont une partie importante de la vie consistait à faire œuvre pastorale.
  • Discussion
 
  • 11h30-11h55 Françoise Laurent (Université Clermont Auvergne - CELIS) : « Les Grandes Chroniques de France de Primat : appréciations et lectures des catastrophes naturelles »
Pour un auteur médiéval, écrire l’histoire consiste principalement à déceler dans les événements du temps humain une intervention divine. Dans cette interprétation chrétienne de l’histoire, les catastrophes naturelles tiennent une place particulière, conformément aux lectures qu’en ont donné saint Augustin et son disciple Orose. Aux livres 2 et 3 de la Cité de Dieu, Augustin dresse le tableau des malheurs qui frappèrent Rome avant la naissance du Christ afin de prouver l’impuissance et la vanité des dieux païens ; quant à Orose, son Histoire contre les païens liste les calamités des temps anciens pour mieux les opposer à la félicité due à la conversion des empereurs romains. Ces deux ouvrages connurent un très grand succès à l’époque médiévale et influencèrent la conception de l’histoire des clercs. Parmi la production historiographique en langue vernaculaire héritée de sources latines, les Grandes Chroniques de France, très vaste compilation composée par Primat, moine de Saint-Denis, à la demande de Louis IX, forment un corpus d’un grand intérêt pour analyser la place occupée par les « catastrophes naturelles » dans l’histoire du royaume de France, et le statut que leur auteur leur accorde. Leur relevé sur un temps très long permet d’affiner ce qui relève, pour l’auteur, de la « catastrophe », mot inconnu avant 1552, date de son emploi par Rabelais au livre IV de Pantagruel, de s’attacher aux formes prises par ce phénomène naturelle et d’étudier la lecture qui en est faite.
  • Discussion et fin de la séance