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Séminaire de Sociopoétique : «Moi comme un Autre »

Publié le 5 septembre 2024 Mis à jour le 9 septembre 2024
Date
Le 10 avril 2025 De 17:30 à 19:30
Le 12 mars 2025 De 17:30 à 19:30
Le 10 février 2025 De 17:30 à 19:30
Le 22 janvier 2025 De 17:30 à 19:30
Le 09 décembre 2024 De 17:30 à 19:30
Le 13 novembre 2024 De 17:30 à 19:30
Le 14 octobre 2024 De 17:30 à 19:30
Le 25 septembre 2024 De 17:30 à 19:30
Lieu(x)
MSH - 4 rue Ledru à Clermont-Ferrand
Salle 28
Amphi 220

Responsables scientifiques : Françoise Le Borgne (CELIS-UCA) et Alain Montandon (CELIS-UCA/IUF)

Programme :

Mercredi 25 septembre 2024
Salle 28
  • Hélène Vial (CELIS-UCA), « Iste ego sum. Les Métamorphoses d'Ovide, grammaire universelle de la tension entre le même et l'autre »
Le propos de cette intervention partira du sublime et intraduisible Iste ego sum de Narcisse (Métamorphoses, III, 463) pour montrer en quoi l'épopée ovidienne des corps transformés par les passions constitue une grammaire poétique et fantasmatique de tout ce qui peut se jouer entre l'identité et l'altérité et constitue ainsi, et par le choc que ce jeu et son expression n'ont jamais cessé de provoquer, la source d'une infinité de réécritures et de variantes dans la littérature et les arts. L'épisode de Narcisse, centre de gravité de la réflexion parce que la grammaire dont il question s'y exprime d'une manière pure, brute, sera lu dans une traduction inédite.

Lundi 14 octobre 2024
  • Alain Montandon (CELIS-UCA/IUF), « Le double comme autre de soi »
Pourquoi le thème du double apparaît-il à la toute fin du 18e siècle en Allemagne ? Et pour quelles raisons la question de l’altérité surgit-elle de façon si pressante et originale, que se pose la question de Moi comme un autre ? L’une des raisons est sans aucun doute à rechercher dans les représentations sociales concernant le côté obscur de la psyché qui commencent à privilégier les analyses psychologiques avec Moritz et psychiatriques auxquelles s’ajoute la vogue du mesmérisme et du magnétisme animal. À la suite des expériences introspectives soutenues et éclairées par les sciences physiologiques et psychiques de l’époque, la crise de l’identité reçoit une interprétation philosophique apportée par l’idéalisme allemand, en particulier avec Fichte. Avec Tieck, Jean Paul, Hoffmann émerge la figure littéraire du double qui hantera en Europe nombre d’écrivains tout au long du XIXe siècle.
 
Mercredi 13 novembre 2024
  • Ana Maria Binet (Université Bordeaux Montaigne) « Fernando Pessoa : quelle identité pour un poète multiple ? »
L’hétéronymie pessoenne, objet de tant d’études et débats, projette en quelque sorte une lumière sur un drame intime, celui d’une tendance à la dépersonnalisation qui implique un vide central, source d’angoisse, mais aussi d’une activité créative exceptionnelle. Dans cette perspective, créer d’autres personnalités littéraires fut peut-être une façon d’interroger cet étranger absolu qui se trouve au fond de soi. Pour survivre, il continue à se voir dans les autres personnages du drame qu’il met en scène, comme dans un miroir à multiples facettes. La quête de soi, au-delà des personnages de fiction que sont ces reflets, fut certainement une des préoccupations fondamentales de son existence. Nous nous proposons donc de traiter, à partir de poèmes et textes pessoens, cette lutte du poète pour intégrer l’Autre qui l’habitait, absorber l’étranger qu’il était pour lui-même, et analyser l’importance que cette lutte eut dans la construction de la galaxie que son œuvre constitue.

Lundi 9 décembre 2024
  • Mawada Zid (CELIS-UCA), « Orlando (2024) de Paul B. Preciado et La passió segons Renée Vivien (1994) de Maria Mercè Marçal : la (dé)construction de la généalogie littéraire, miroir de l’identité marginale » 
Cette communication se propose de comparer deux réécritures contemporaines de textes littéraires du début du XXème siècle : Orlando de Virginia Woolf (1927), adapté au cinéma par l’écrivain et philosphe franco-espagnol Paul Preciado, et la poésie de Renée Vivien (1877- 1909), qui obsède les personnages principaux du roman de la poète catalane Maria-Mercè Marçal. Leur vie y est racontée par des voix multiples, ce qui brouille le récit et vise à les présenter comme des êtres de discours. Les deux œuvres interrogent le processus de fictionnalisation, qui peut à la fois être libérateur - car le mythe fige et visibilise les identités marginales - et aliénant, raison pour laquelle Preciado et Marçal se proposent de redonner vie à ces êtres de papier. Ces deux œuvres montrent que le sujet marginal ne peut se dire qu’à travers la déconstruction de l’identité. Le « moi » dissident doit entreprendre une construction de son identité à travers des référents « autres » également dissidents, qui transcendent les frontières temporelles, culturelles, et des pratiques artistiques.
 
Mercredi 22 janvier 2025
  • Julie Lemaire (CELIS), « Sylvie Germain ou le devenir humain du cochon : l’enfant sauvage et ses métamorphoses dans À la table des hommes »
D’Anne Sibran (Je suis la bête, 2007) à Marcus Malte (Le Garçon, 2016) en passant par Jean-Christophe Grangé (La Forêt des Mânes, 2009) ou Laura Gustaffson (Anomalia, 2016) les romanciers contemporains semblent fascinés par la figure de l’enfant sauvage, cette créature à l’identité trouble surgie du fond d’une forêt ou d’un placard, parfois élevée et même allaitée par des bêtes – ours, loups, singes … au gré des récits et des légendes. Dans À la table des hommes (2015) de Sylvie Germain, c’est un porcelet – d’abord recueilli et nourri par une jeune femme, avant d’être adopté par une daine, en pleine guerre civile, dans un pays qu’on imagine se situer quelque part dans les Balkans – qui, suivant l’itinéraire inverse, finit par sortir du bois pour se métamorphoser en homme. Encore faut-il préciser que cette métamorphose reste incomplète et que Babel/Abel, l’enfant-cochon – ou le cochon-enfant, c’est selon – ne renoncera jamais totalement à l’animal qu’il était. En cela, le récit de Sylvie Germain témoigne d’un véritable renouvellement du mythe initial, qui dit sans doute aussi beaucoup de l’évolution de nos rapports à cette altérité à la fois si lointaine et si proche que constitue l’animalité. C’est ce processus d’humanisation contrariée qu’il s’agira d’interroger en montrant comment dans ce roman aux allures de conte la figure de l’enfant sauvage contribue peut-être autant à penser l’homme – et ce qui fait son identité – qu’à brouiller les frontières qui le séparent de son autre animal.

Lundi 10 février 2025
  • Oriane Chevalier (CELIS), « “Folie de dire ‘moi’” : le voyage identitaire d’Alexandra David-Néel au Tibet »
Dans une lettre de 1912, Alexandra David-Néel écrit : « Folie de dire “moi”, nous qui sommes légion ». À l’aube de son périple de quatorze années à travers l’Asie, Alexandra David-Néel fait le choix d’embrasser une identité plurielle, polymorphe et fluctuante, se nourrissant des rencontres et des lieux qui traversent et rythment sa vie. C’est ainsi sous les traits d’une vieille mendiante tibétaine que l’exploratrice devient la première femme occidentale à pénétrer dans la ville interdite de Lhassa en 1924, dissimulant à la fois son âge, sa classe sociale et son ethnie. Cette communication se propose d’explorer le voyage identitaire d’Alexandra David-Néel au Tibet, afin d’apprécier les interactions entre l’ipse et l’idem représentées dans ses récits de voyage et dans sa correspondance. Nous nous demanderons en quoi le subterfuge de l’orientaliste peut être considéré comme le fruit d’une co-construction et d’une activité communicationnelle avec le peuple tibétain. Effectivement, en plus de se teindre la peau et les cheveux, Alexandra David-Néel adapte son niveau de langue et ses gestes les plus intimes à sa condition de mendiante, ne cessant d’ajuster sa posture selon le rang des tibétains avec lesquels elle interagit. Néanmoins, son idem semble être progressivement éclipsé par son ipse, ce qui se manifeste par une perte de repères et un nouveau rapport à la nature et à la spiritualité. Il conviendra donc de se pencher non seulement sur cette poétique de la perte du moi, mais aussi sur cette poïétique identitaire au contact de l’Autre, en se demandant si cette fuite identitaire hors de soi correspond à un voyage sans retour pour l’exploratrice.
 
Mercredi 12 mars 2025
  • Emilie Laurent (CELIS), « Empathie esthétique ou terreur gothique ? La figure de l’Autre dans les récits de Vernon Lee »
     
O cursed human voice, violin of flesh and blood,
fashioned with the subtle tools, the cunning hands, of Satan!

« Ô voix humaine maudite, violon de chair et de sang,
façonné avec les outils subtils, les mains habiles, de Satan ! »
Vernon Lee, “A Wicked Voice”

Dans les récits gothiques de l’écrivaine et philosophe anglaise Vernon Lee (1856-1935), l’interaction avec les œuvres d’art est objet à la fois de terreur et de plaisir. Si dans ses essais Lee théorise une esthétique de l’empathie selon laquelle la réponse émotionnelle face à une œuvre d’art est fondatrice d’identité, ses récits de fiction publiés dans le recueil Hauntings (1890) font de la confrontation entre narrateur et œuvre d’art le cœur de la hantise gothique, responsable de la dissolution et destruction du sujet. Le concept d’empathie esthétique ainsi que la terreur gothique traditionnelle se trouvent ainsi tous deux subvertis, le Beau esthétique et le monstrueux gothique ne faisant plus qu’un.
Malgré la monstruosité du spectre esthétique leeien, le récit en présente néanmoins une lecture empathique, au sens premier du terme : le texte attire l’attention du lecteur sur la marginalisation de ce spectre, la femme peinte ou le chant mortel du castrat étant objets d’effroi en vertu de leur opposition aux normes sociales de genre. Les récits de Lee deviennent alors eux-mêmes des récits monstrueux qui dissolvent les frontières entre le Moi et l’Autre, le normal et l’inacceptable, l’empathie et la terreur.
Cette intervention explorera ainsi l’œuvre d’art en tant que figure métaphorique de l’altérité et représentation sociopoétique d’une crise culturelle, posant ainsi la question de la signifiance d’une telle réécriture par Lee du monstre gothique traditionnel dans un cadre social qui relit l’influence du premier gothique dans un contexte victorien.
 
Jeudi 10 avril 2025
  • Victoire Feuillebois (Université de Strasbourg), « Du magnétisme au déterminisme cérébral, représentations de l’action contrainte dans la littérature russe du XIXe siècle »

La Russie est exposée au XIXe siècle à des découvertes scientifiques faites en Europe qui jettent un doute sur la capacité du sujet à être maître de ses propres actions. En particulier, la question posée est celle de la manière dont le corps peut agir sans que la volonté du sujet soit à l'œuvre, impliquant une dissociation entre le physique et le psychologique. Les débats scientifiques qui reflètent cette interrogation à travers différents paradigmes au long du siècle font l'objet de représentations dans plusieurs romans russes du XIXe siècle, ainsi que dans les débats critiques qui accompagnent leur publication. Cette communication propose d'étudier comment ce corpus érige le questionnement scientifique en interrogation sociale et littéraire portée par le roman.