Publié le 8 septembre 2025 Mis à jour le 4 novembre 2025
Lieu(x)
MSH - 4 rue Ledru à Clermont-Ferrand
Salle 332
Amphi 125
Salle 28
Amphi 220
Responsables scientifiques : Françoise Le Borgne (CELIS-UCA) et Alain Montandon (CELIS-UCA/IUF)

Les séances ont lieu à la MSH, de 17h30 à 19h30
Semestre 1 : octobre-décembre 2025


Mercredi 8 octobre 2025
Salle 332
Astrid Maes : « L’amour incestueux dans les romans de William Faulkner : du même à l’autre »

L’œuvre de William Faulkner est connue pour sa dimension transgressive, une réputation notamment due à la présence du thème de l’inceste dans plusieurs romans. L’inceste chez Faulkner est généralement interprété sous l’angle freudien comme un défaut de développement : John Irwin associe inceste et dédoublement, qu’il lit comme les symptômes d’un repli sur soi qui reflèterait l’état du Sud après la guerre de Sécession. Dans The Sound and the Fury, l’amour de Quentin pour sa sœur Caddy, « son double féminin » (André Bleikasten), incarne le fantasme d’un entre-soi des familles blanches déchues et traduit une angoisse raciale sous-jacente. Cependant, l’inceste faulknérien ne peut être réduit à une déviance solipsiste. En effet, dans Absalom, Absalom ! et Go Down, Moses, l’inceste permet d’aborder le tabou des relations entre Noirs et Blancs. Dans la tradition des racial romances, sous-genre des récits fondateurs, le motif incestueux, parce qu’il instaure un lien familial entre des amants appartenant à des races différentes, brouille la différence entre Noir et Blanc, frère et amant, amour familial et amour romantique. Cette communication s’intéresse ainsi au paradoxe de l’amour incestueux chez Faulkner, entre attirance pour le même et confrontation à l’altérité. Car il dépasse le cadre intime et familial pour revêtir une dimension politique, l’inceste permet à Faulkner de réfléchir au potentiel et aux limites de l’amour.

Mercredi 12 novembre 2025
Amphi 125
Thierry Poyet : « Le moi amoureux dans l’œuvre d’Émile Clermont (1880-1916) : une identité friable »

Émile Clermont a écrit trois romans, Amour promis (1909), Laure (1913) et Histoire d’Isabelle (1917), qui interrogent le rapport à l’Autre dans le cadre d’une expérience amoureuse confondue systématiquement en rapport d’aliénation. Pour ses personnages, le « toi et moi » se transforme en « moi comme toi ». Découvrant la fragilité de leur personnalité, ils risquent de se perdre dans une inconsistance fatale qui place la mort au rendez-vous de la relation amoureuse tant le moi est voué par l’Autre à sa disparition. Chez Clermont, la relation amoureuse dit paradoxalement l’impossibilité de toute relation, elle condamne l’individualité à la solitude ou à l’asservissement. Ainsi oppose-t-il à la possibilité d’une communion amoureuse un enjeu de sauvegarde de son propre être. Le « moi comme un autre » devient un « moi sans toi ». Entre futilités de la Belle-Époque et pressentiments de la Grande Guerre, ses romans alertent sur l’impossibilité du dialogue humain et l’illusion de l’amour considéré comme moyen de rédemption.

Jeudi 11 décembre 2025
Salle 28
Ana Carolina Nery Albino : « Le retour impossible et l’étrangeté du moi : figures de transfuge de classe dans Remords de Luiz Ruffato »


Le roman introspectif Remords (2021) de Luiz Ruffato met en lumière l’expérience du transfuge de classe comme une métamorphose identitaire, marquée par la distanciation à la fois temporelle, sociale et géographique. Le retour au pays natal confronte Oseias Moretto - le narrateur-personnage - à la discontinuité entre le moi d’autrefois et celui du présent, mais aussi au regard des autres qui ne le reconnaissent plus. La figure du transfuge de classe, centrale dans l’œuvre de Ruffato, illustre ici de manière aiguë l’expérience de l’étrangéisation : être devenu un autre pour soi-même et pour ceux qui constituaient autrefois sa communauté. Dans une perspective sociopoétique, nous interrogerons la mise en scène narrative de cette étrangeté, ainsi que les dispositifs stylistiques qui traduisent l’instabilité du sujet et la fragilité de ses repères identitaires, tant dans l’espace social que dans l'environnement familial.
 

Semestre 2 : janvier-avril 2026


Mercredi 28 janvier 2026
Amphi 220
Françoise Le Borgne : « L’aliénation passionnelle du narrateur chez l’Abbé Prévost et Rétif de La Bretonne »

On considère le siècle des Lumières comme celui d’une réhabilitation des passions. Inscrites dans la nature humaine, source de plaisir et d’énergie, elles s’avèrent individuellement et collectivement bénéfiques. « On déclame sans fin contre les passions, écrit ainsi Diderot en ouverture de ses Pensées philosophiques ; on leur impute toutes les peines de l’homme, et l’on oublie qu’elles sont aussi la source de tous ses plaisirs. » Pourtant, les grands romans du XVIIIe siècle continuent à mettre en scène l’aliénation passionnelle amoureuse et à en explorer toutes les déclinaisons et les implications narratives, que ce soit dans le cadre du roman épistolaire ou du roman à la première personne.
À partir de quelques romans de l’Abbé Prévost (Manon Lescaut, Histoire d’une Grecque moderne) et de Rétif de la Bretonne (La Dernière aventure d’un homme de quarante-cinq ans), je m’intéresserai au traitement de l’aliénation passionnelle du narrateur et à ses enjeux esthétiques et philosophiques. Pourquoi ces deux auteurs choisissent-ils de confier leurs récits à des narrateurs peu fiables, pris dans le vertige d’une passion amoureuse qui les arrache à leurs certitudes et fait d’eux, littéralement, des « autres » ? Comment peut-on expliquer le sentiment de déchéance qui s’attache à cette expérience alors même que Prévost comme Rétif ont tous deux pris leurs distances à l’égard du catholicisme dans lequel ils ont été formés? Et quel type de réception programment ces mémoires minés par l’aveuglement d’un narrateur incapable de rendre compte de lui-même et de la femme aimée ?

Mercredi 25 février 2026
Amphi 220
Sara Grünhagen (Universidade Alberta, Universidade de Coimbra, Université Sorbonne Nouvelle) : « Identités en tension : personnages transfictionnels chez José Saramago »

Cette communication s’intéresse à deux romans de l’écrivain portugais José Saramago (1922-2010) qui s’appuient sur d’autres univers narratifs pour se construire et, ce faisant, remettent en cause certains canons et représentations. Dans L’année de la mort de Ricardo Reis (1984) et L’Évangile selon Jésus-Christ (1991), Ricardo Reis comme Jésus vivent l’expérience d’être autres qu’eux-mêmes : des figures transfictionnelles qui conservent des éléments de leur identité narrative antérieure — explicitement multiple dans le cas de l’œuvre de Pessoa — mais qui ne se reconnaissent plus pleinement dans ces romans.
À partir du concept de transfictionnalité proposé par Richard Saint-Gelais (2011), ainsi que des réflexions narratologiques associées à la notion de métalepse (Genette, 2004 ; Pier, Schaeffer, 2005 ; Ryan, 2006), cette étude examine comment Saramago met en scène la quête identitaire de ses personnages. Il s’agit d’analyser les transformations que Ricardo Reis et Jésus traversent dans de nouveaux contextes et en interaction avec d’autres figures, ainsi que la manière dont ces récits articulent une réflexion métafictionnelle à la fois sur les conventions narratives et sur l’instabilité des identités.

Mercredi 25 mars 2026
Amphi 220
Chantal Jaquet (Paris 1 Panthéon Sorbonne) : « Métamorphoses transclasses »

Le passage d’une classe sociale à l’autre, quel que soit son sens et son ampleur, met toujours l’identité en travail, en ébranlant les habitudes et les manières d’être anciennes au contact d’un nouveau monde auquel elles ne sont pas adaptées. Il s’accompagne d’une déconstruction et d’une reconfiguration de soi à travers lesquelles le transclasse découvre son inquiétante étrangeté. De l’ivresse de la métamorphose à l’aliénation, en passant par l’invention de soi, il s’agira d’explorer la fabrique des complexions transclasses qui font vaciller les identités établies et remettent sur le métier les constructions sociales du moi.

Mercredi 29 avril 2026 :
Amphi 220
Anne Rouhette : « Moi comme une autre : la femme et l’actrice dans quelques romans du XVIIIe siècle britannique (1725-1814) »

Le problème de l’identité féminine occupa les esprits au cours du XVIIIe siècle au Grande-Bretagne, au point que les livres de conduite à destination des jeunes filles y connurent un véritable âge d’or. Ces ouvrages reposent sur un paradoxe fondamental puisqu’ils expliquent aux jeunes femmes ce qu’elles doivent être naturellement, faisant de la « nature » et de la « spontanéité » féminines le résultat d’un travail conscient et enjoignant les lectrices à se conformer à l’idéal prescrit par l’idéologie patriarcale, bref à jouer le rôle de la féminité pour devenir ce qu’elles sont censées être. De grands auteurs du XVIIIe, à commencer par Samuel Richardson, se sont intéressés à cette tension entre l’inné et l’acquis, le naturel et l’artificiel, en articulant une opposition qui n’en est pas toujours une entre des types de personnages féminins qu’on pourrait rapidement caractériser comme la femme et l’actrice ; sans surprise, cette tension se retrouve souvent au cœur de romans écrits par des femmes sur lesquels portera principalement mon analyse, dont le corpus principal sera constitué de Fantomima (Eliza Haywood, 1725), The Female Quixote (Charlotte Lennox, 1752), Evelina (Frances Burney, 1778) et Mansfield Park (Jane Austen, 1814).

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